L’assassinat de Charlie Kirk crée un martyr pour les trumpistes

Kirk était un infect réactionnaire. Nous ne pleurons pas sa mort. Mais nous devons affirmer clairement que cet acte aura des conséquences réactionnaires.
  • Revolutionary Communists of America
  • mer. 24 sept. 2025
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« S’il suffit de s’armer d’un pistolet pour atteindre son but, à quoi bon les efforts de la lutte de classe? Si un dé à coudre de poudre et un petit morceau de plomb sont suffisants pour traverser le cou de l’ennemi et le tuer, quel besoin y a-t-il d’une organisation de classe? »
—Léon Trotsky, « Pourquoi les marxistes s’opposent au terrorisme individuel »

Le meurtre de Charlie Kirk, l’évangéliste le plus influent du mouvement MAGA auprès de la jeunesse conservatrice américaine, a déclenché une onde de choc dans le paysage politique américain. Kirk était un infect réactionnaire. Nous ne pleurons pas sa mort. Mais nous devons affirmer clairement que cet acte aura des conséquences réactionnaires.

Avant l’attentat, le mouvement MAGA commençait à se fracturer sur des lignes de classe. Les électeurs de Trump issus de la classe ouvrière étaient de plus en plus déçus par les promesses non tenues du président, son incapacité à relancer l’économie, son rôle dans la dissimulation du scandale Jeffrey Epstein, etc. La base électorale de Trump dispose désormais d’un martyr autour duquel se rallier. Loin d’élever la conscience de classe des travailleurs, l’assassinat de Kirk ne fera qu’attiser la « guerre culturelle » dont se nourrissent les réactionnaires comme Trump.

Un cri de ralliement pour les trumpistes

Le soir même de l’attentat, alors que les autorités n’avaient toujours pas encore trouvé de suspect ni de mobile, Trump a diffusé une déclaration vidéo depuis le Bureau ovale dénonçant « la violence politique de la gauche radicale ».

D’autres personnalités de droite lui ont immédiatement emboîté le pas. L’auteur de droite Matt Forney a écrit sur les réseaux sociaux : « Il est temps de sévir complètement contre la gauche. Tous les politiciens démocrates doivent être arrêtés et le parti interdit. » Elon Musk a commenté : « La gauche est le parti du meurtre. » Andrew Tate a publié quant à lui seulement deux mots : « Guerre civile. »

Jack Posobiec, qui qualifie souvent les personnes de gauche d’« inhumaines », a établi un parallèle avec Luigi Mangione, l’assassin présumé du PDG d’une compagnie d’assurance en décembre dernier : « Vous avez le choix entre MAGA ou Mangione. Et les Mangione éliminent désormais les MAGA […] C’est ce que vous avez fait à notre pays. Et ce qui va suivre est également de votre faute. »

L’effet immédiat de l’assassinat de Kirk est clair. Il a uni l’extrême droite américaine autour de sa rage et renforcé son sentiment victimaire. C’est le même message qui est au cœur de la propagande que TPUSA, l’organisation de Kirk, diffuse depuis des années sur les campus : ce sont les conservateurs qui sont les rebelles qui s’opposent au pouvoir en place, et la « gauche » – un terme qui désigne à la fois les libéraux, les médias, l’establishment politique et même les milliardaires – fera tout ce qui est en son pouvoir pour les arrêter.

Après la tentative manquée d’assassinat de Trump l’année dernière à Butler, nous avions mis en garde contre les conséquences contre-productives qui découleraient d’un tel scénario :

Les communistes s’opposent naturellement à Donald Trump. Mais il est clair que toute tentative d’assassinat à son encontre aurait des conséquences profondément réactionnaires, qui ne contribueraient en rien à clarifier la division de classe qui traverse la société, y compris au sein même du camp trumpiste.

La majorité de la base électorale de Trump est composée de travailleurs qui ont été temporairement trompés et amenés à croire à sa démagogie. Notre tâche consiste à faire ressortir la ligne de classe dans la société et à mettre en avant les intérêts de l’ensemble de la classe ouvrière, en montrant aux travailleurs que leur ennemi commun est la classe capitaliste, et non une autre partie de la classe ouvrière. De cette façon, la base électorale de Trump peut être divisée selon des lignes de classe.

Tout comme l’incident de Butler a donné à Trump un élan considérable à l’approche des élections de l’année dernière, Kirk le martyr sera cyniquement utilisé pour unifier la droite. Trump pourrait également s’en servir pour intensifier la répression contre ses opposants politiques.

Où va le mouvement MAGA?

Jusqu’à présent, la scission de la coalition de Trump sur des lignes de classe progressait rapidement, en particulier parmi les jeunes. Un sondage commandé par CBS réalisé fin juillet a révélé une baisse nette de 54 points de la cote de popularité de Trump parmi les électeurs de moins de 30 ans. Alors qu’il recueillait 55% d’opinions favorables et 45% d’opinions défavorables en février, il ne re reçoit plus que l’approbation de 28% des personnes interrogées, soit une baisse de 44 points, tandis que 72% le désapprouvent.

Outre les divisions au sein du camp MAGA sur les droits de douane imposés par Trump, le débat houleux sur la question de savoir si « l’Amérique d’abord » signifie soutenir la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine et le génocide israélien, et l’indignation suscitée par le revirement de Trump sur la divulgation des dossiers Epstein, le facteur décisif qui pourrait déchirer le trumpisme est l’économie. L’inflation et la dette augmentent, tandis que les demandes d’allocations chômage viennent d’atteindre leur plus haut niveau en quatre ans.

Même si la tempête d’indignation ne durera pas éternellement, l’assassinat de Kirk a relégué tout cela au second plan. La guerre culturelle est revenue sur le devant de la scène avec une vigueur sans précédent. C’est pourquoi cet assassinat est un pas en arrière, et non en avant, dans la lutte des classes.

Les communistes comprennent que les trumpistes ne peuvent être vaincus par l’establishment libéral, et encore moins par des actes de terreur politique. Ils ne peuvent être vaincus qu’en construisant une solution de rechange de classe capable de se connecter avec la colère de classe saine que Trump a cyniquement manipulée et de la canaliser. Cela nécessite une force organisée avec un programme de lutte pour de bons emplois, des salaires plus élevés, des soins de santé, de l’éducation et des logements gratuits – le tout suivant une position de classe indépendante opposée aux deux partis de la classe dirigeante. Notre objectif n’est pas d’assassiner ou de réduire au silence nos adversaires, mais de les démasquer politiquement devant la classe ouvrière, afin de construire un parti qui représente les intérêts de la majorité.

La classe dirigeante est responsable de la violence

Les politiciens des deux partis s’unissent maintenant pour déplorer la violence politique. Leurs discours moralisateurs sont convenus à en vomir. Presque toutes les personnalités politiques importantes ont publié une déclaration contenant une variante de la phrase « la violence politique n’a pas sa place dans notre pays ».

Pourtant, il est évident pour tout le monde que la violence politique est devenue extrêmement courante. Depuis l’été dernier, il y a eu deux tentatives d’assassinat contre Trump, deux attentats contre des législateurs démocrates dans le Minnesota et un incendie criminel contre la maison du gouverneur de Pennsylvanie.

« La violence contre les personnalités politiques était autrefois le genre de chose qui se produisait dans des démocraties instables lointaines », a écrit Reid Epstein du New York Times, « Aujourd’hui, c’est une réalité en Amérique, tout comme les fusillades dans les écoles qui ont autrefois choqué la conscience nationale. »

Tout cela est le symptôme d’une société en déclin, dans laquelle les gens n’ont ni espoir ni confiance dans la possibilité de changer les choses par des « voies normales ».

Le fait est que le capitalisme américain a une longue histoire de violence depuis ses débuts. Cependant, si la violence politique fait désormais partie intégrante du tissu social américain, c’est la classe qui domine ce système qui en est responsable. Aucun système n’est plus violent que le capitalisme, et aucune classe dirigeante n’a plus de sang sur les mains que la classe dirigeante américaine, qui a directement ou indirectement tué des dizaines de millions de personnes dans le monde entier et qui finance directement l’extermination de la population de Gaza à ce jour.

La classe ouvrière est la seule force dans l’histoire qui a intérêt à mettre fin à la violence politique et qui a la force de le faire. Mais pour unir cette classe, il faut remplacer les divisions de la guerre culturelle par un programme clair de lutte des classes.